La fin du mystère de la migration océanique des anguilles ?
(http://www.sciencesetavenir.fr/animaux/animaux-marins/20151102.OBS8705/la-fin-du-mystere-de-la-migration-oceanique-des-anguilles.html)
Grâce à une balise satellite, des chercheurs ont pu suivre la migration d’une anguille depuis le Canada jusque dans la mer des Sargasses, au nord-est des Antilles. Une première!
BALISE. Fin du mystère ! Les anguilles migrent bien en mer des Sargasses pour se reproduire. Du moins c’est le cas pour l’espèce américaineAnguilla rostrata. Les chercheurs de l’université Laval (Canada) viennent ainsi de résoudre une question très ancienne. "Des larves d'anguilles ont été observées dans la mer des Sargasses dès 1904, ce qui laissait supposer que l'espèce se reproduisait dans cette zone, mais aucune anguille adulte n'avait jamais été observée dans cette partie de l'océan Atlantique", assure dans un communiqué le professeur Julian Dodson, de la Faculté des sciences et de génie de Laval.
Pendant des décennies, des bateaux scientifiques ont trempé filets et chaluts dans les Sargasses sans jamais pêcher une anguille argentée, stade de reproduction des multiples transformations de l’espèce : œuf, larve leptocéphale, civelle pour entrer dans les eaux douces des rivières, anguille jaune puis, à l’heure du retour à la mer anguille argentée. C’est donc la méthode de la balise satellite qui a permis de résoudre le mystère et vaut à l’équipe les honneurs de Nature communication.
Une migration dangereuse
PRÉDATION. Les chercheurs ont choisi 16 femelles en âge de se reproduire provenant de l’estuaire du Saint-Laurent, les plus grosses (2,9 kilos) pouvant supporter le poids d’une balise satellite et 22 capturées en Nouvelle-Ecosse (Canada). Puis ils ont épargné à ces individus les 1.400 kilomètres de voyage à l’intérieur du Saint-Laurent pour les relâcher à l’automne 2014 directement dans l’océan Atlantique. Sur les 38 balises, une seule est arrivée à bon port. Car la route est dangereuse. Après s’être dirigées vers la haute mer près de la surface, les anguilles se dirigent toutes vers le sud dès la fin du plateau continental, descendant à des profondeurs pouvant atteindre 700 mètres. C’est là que les attendent les prédateurs de toute sorte. Les balises pouvant émettre quelques jours dans les ventres des poissons ont révélé la prédation par la hausse soudaine de température, les capteurs étant soumis à la température interne d’un animal. Les chercheurs ont même déterminé deux espèces prédatrices, le requin taupe et le thon rouge.
Les observations satellitaires du trajet d'une anguille américaine. © Université Laval
Une seule anguille taguée est passée au travers des mailles et a ainsi révélé sa route. En 45 jours, le poisson a parcouru 2.400 kilomètres soit une moyenne de 49km par jour. Il a aussi supporté une différence de température de 2,5°C dans les eaux de la Nouvelle Ecosse à 25,1°C dans les Sargasses. Pour les chercheurs, cet itinéraire suggère l’existence d’un mécanisme de navigation qui fait probablement appel à la détection des champs géomagnétiques.
PRUDENCE. Les chercheurs canadiens restent cependant prudents du fait qu’une seule anguille a réussi la migration. "Nos données nous apprennent tout de même que les anguilles ne font pas tout le trajet en suivant les côtes, qu'elles peuvent faire cette migration en quelques semaines seulement et qu'elles se rendent bien à la mer des Sargasses", résume Julian Dodson. C’est bien plus que n’en savent les chercheurs européens qui n’ont toujours pas la preuve que l’anguille européenne Anguilla anguilla se rend bien, elle aussi, dans les Sargasses. Comme pour les anguilles américaines, les balises satellitaires ont pour l’instant terminé dans les ventres des prédateurs. Ces recherches sont loin d’être anecdotiques. Mieux connaître la biologie de l’anguille devrait permettre à terme d’élever un poisson qui a une haute valeur économique.
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